Avec le déploiement de l’hospitalisation à domicile, le virage ambulatoire, on observe un transfert de la prise en charge du patient en dehors des établissements hospitaliers. Décryptage de cette tendance.
Le virage ambulatoire stratégie visant à encourager les soins ambulatoires plutôt que les hospitalisations, est motivé par plusieurs facteurs, notamment la pression budgétaire sur les systèmes de santé, l'évolution des pratiques médicales, et les attentes des patients en matière de qualité et de flexibilité des soins.
Ce virage ambulatoire permet aux patients de recevoir des soins de qualité en dehors de l'hôpital, en ambulatoire, c'est-à-dire dans des structures de soins de proximité telles que les cabinets médicaux, les centres de santé ou encore les maisons de santé pluridisciplinaires. Cette stratégie permet notamment de réduire les coûts liés à l'hospitalisation et de mieux répondre aux besoins des patients, en leur offrant des soins plus adaptés à leur situation et à leurs préférences.
Au-delà de ces aspects, cela contribue à une amélioration de la coordination des soins entre les différents professionnels de santé, en favorisant le partage des informations médicales et en renforçant la coopération entre les différents acteurs de la prise en charge.
Le numérique, via des solutions de télémédecine ou de suivi à distance des patients contribue au déploiement de cette prise en charge « hors les murs » de l’hôpital.
Essor des parcours de soins digitalisés
Nous avions vu dans un précédent article qu’avec le déploiement de l’hospitalisation à domicile, on observe la mise en place de véritables parcours de soins digitalisés pour optimiser la prise en charge du patient, assurer un suivi continu, simplifier le décloisonnement des équipes médicales et accompagner les aidants.
Ces parcours de soins digitalisés présentent plusieurs avantages pour les patients et les professionnels de santé :
- simplification des démarches administratives : les patients peuvent remplir leurs informations médicales et administratives en ligne, avant leur consultation médicale. Gain de temps pour le patient et le professionnel de santé.
- amélioration de la coordination des soins : la digitalisation des parcours de soins permet de mieux coordonner les soins entre les différents professionnels de santé. Les données médicales et les informations de suivi sont accessibles en temps réel par tous les professionnels de santé impliqués dans la prise en charge du patient.
- personnalisation de la prise en charge : les données collectées en ligne permettent aux professionnels de santé de mieux comprendre les besoins et les préférences du patient, et ainsi de proposer une prise en charge plus adaptée à ses besoins.
- réduction des coûts : diminution des coûts de la prise en charge, en réduisant notamment les dépenses liées aux déplacements et aux consultations médicales.
Concernant cette digitalisation des parcours de soins, il est toutefois important de veiller à ce qu’elle ne soit pas un obstacle à l'accès aux soins pour les personnes ayant des difficultés avec l'utilisation des outils numériques.
Pharmacien : un rôle transformé
Le pharmacien a toujours eu pour mission principale de dispenser des médicaments et des conseils relatifs à leur utilisation. Cependant, au fil des années, le rôle du pharmacien s'est étendu et diversifié pour répondre aux besoins de la population et du système de santé.
On observe pour le pharmacien de nouvelles missions dans la le suivi et la prise en charge des patients :
- Dépistage et prévention : les pharmaciens peuvent proposer des dépistages pour certaines maladies, comme le diabète ou l'hypertension artérielle, donner des conseils en matière de prévention, notamment en ce qui concerne l'hygiène de vie, l'alimentation et l'activité physique.
- Prise en charge des maladies chroniques : participation à la prise en charge de certaines maladies chroniques, comme l'asthme ou le diabète, en aidant les patients à mieux comprendre leur traitement et à mieux gérer leur maladie au quotidien.
- Entretiens pharmaceutiques : un rôle de soignant et d’acteur de prévention renforcé pour éduquer, accompagner et conseiller le patient quant au bon suivi de son traitement médical.
- Vaccination : depuis plusieurs années, les pharmaciens sont autorisés à vacciner contre la grippe et d'autres maladies. La pandémie de COVID-19 a également donné un rôle important aux pharmaciens dans la vaccination de la population.
- Prise en charge des petits maux : l’ARS Bretagne a lancé une nouvelle expérimentation permettant à 50 pharmaciens de prendre en charge 13 situations cliniques (Brûlures, rhinite, piqûres de tiques, maux de tête…) 1. Cette expérimentation permet de détecter sans attendre une situation à risque, d’orienter rapidement le patient, de faciliter l’accès à un professionnel de santé et d’éviter un passage inutile aux urgences.
- Téléconsultation : accompagnement du patient et du praticien dans la réalisation de l’acte de téléconsultation. Il assure également un lien entre le patient et le praticien en mettant à disposition le matériel nécessaire à la réalisation d’une téléconsultation
- Et beaucoup d’autres…
Ces nouvelles missions reflètent l'évolution du rôle du pharmacien dans le système de santé et sa contribution croissante à la prise en charge des patients.
Le digital a un impact important sur le rôle et les missions du pharmacien à différents niveaux :
- gestion de l'information : accès simplifié à l’information sur les médicaments et traitements via les bases de données médicamenteuses (Vidal, BCB…) ou des outils pour vérifier les interactions médicamenteuses.
- optimisation du parcours client en officine : les pharmaciens ont accéléré le déploiement de solutions digitales au sein des officines aussi bien au niveau de l’information produit, du conseil patient ou de l’accès aux objets connectés. Des innovations digitales que l’on retrouve tout au long du parcours clients en officine : écrans digitaux en vitrine ou au sein de la pharmacie, bornes interactives pour découvrir les produits ou diffuser des campagnes d’information,
- déploiement de nouveaux services pour les patients : prise de rendez-vous en ligne, retrait des achats sous la forme « click& collect » ou livraison, suivi de commande en ligne, dématérialisation des ordonnances, alertes mail ou sms…
- gestion officinale : utilisation de solutions digitales pour gérer les stocks et les commandes, automatiser le back-office, renforcer la communication interne et asseoir le management de l’officine ou faire une veille continue et performante sur le secteur d’activité et les perspectives d’évolution…
Et bien d’autres comme la e-prescription, la vente en ligne, objets connectés, réseaux sociaux…
Un mode d’exercice collégial avec les MSP
Pour répondre à ce virage ambulatoire et optimiser la prise en charge des patients, on observe depuis quelques années l’essor des maisons de santé pluridisciplinaire : les MSP. Une maison de santé pluridisciplinaire est une structure qui regroupe plusieurs professionnels de santé travaillant en collaboration pour proposer une offre de soins complètes et coordonnés.
Ces MSP peuvent regrouper des professionnels de santé de différents secteurs, tels que des médecins généralistes, des infirmiers, des kinésithérapeutes, des psychologues, des orthophonistes, des diététiciens, des sage-femmes, des pharmaciens, etc. Ces professionnels travaillent ensemble pour offrir une prise en charge globale et coordonnée des patients.
Ce mode d’exercice est de plus en plus plébiscité, notamment par les jeunes médecins, qui souhaitent une pratique pluridisciplinaire et également réduire les frais d’installation (vs cabinet médical). La stimulation interne professionnelle ou le partage d’information favorisent une qualité des soins supérieures et une meilleure coordination 2.
Les maisons de santé pluridisciplinaires peuvent également proposer des services complémentaires tels que des consultations de prévention et d'éducation à la santé, des services de dépistage, des séances d'information et de sensibilisation sur des problématiques de santé publique, etc.
L'objectif de ces structures est de favoriser la coordination et la continuité des soins, d'optimiser la prise en charge des patients et de renforcer la qualité et l'efficacité des soins de santé. Elles ont donc un rôle important dans la promotion de la santé et la prévention des maladies, ainsi que dans l'amélioration de l'accès aux soins pour les populations locales.
Le digital a également eu un impact important dans les maisons de santé pluridisciplinaires, en permettant notamment d'améliorer la coordination des soins et la qualité des services proposés aux patients :
- gestion des données de santé : permet de stocker et de partager les données médicales des patients de manière plus efficace et sécurisée. Gestion des dossiers médicaux, résultats d'examens, prescriptions médicales…
- téléconsultation : déploiement de consultations à distance pour certains types de pathologies, facilitant l'accès aux soins pour les patients qui habitent loin de la structure ou qui ont des difficultés à se déplacer.
- prise de rendez-vous en ligne : simplification dans la gestion des rendez-vous, et réduction du temps d'attente pour les patients.
- suivi des patients à distance : mise à disposition d’outils de télésurveillance pour suivre l'évolution de la glycémie chez les diabétiques, le poids chez les patients obèses, ou encore la tension artérielle chez les patients hypertendus.
A l’heure où la transformation de notre système de santé est nécessaire pour répondre à la démographie médicale, l’accès au soin, le maillage du territoire et une amélioration de la prise en charge des patients, le futur passe inévitablement par ce virage ambulatoire et un accompagnement coordonné au sein de structures indépendantes des établissements hospitaliers.
Rémy Teston
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