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Médias sociaux : quels usages par les professionnels de santé en Europe et aux Etats-Unis ?

Médias sociaux : quels usages par les professionnels de santé en Europe et aux Etats-Unis ?

Les médias sociaux sont aujourd’hui omniprésents dans les modes de communication, notamment dans le domaine de la santé. A l’instar des autres acteurs de santé, les professionnels de santé se sont emparés de ces réseaux pour communiquer, s’informer, échanger… Décryptage des usages en Europe et aux Etats-Unis.

À l’ère d’une omniprésence du numérique, les réseaux sociaux sont devenus un outil incontournable pour les professionnels de tous secteurs, y compris celui de la santé. Médecins, infirmiers, pharmaciens et autres spécialistes utilisent désormais ces plateformes pour communiquer avec leurs patients, partager des informations scientifiques, développer leur réseau professionnel ou encore promouvoir leur activité.

Cependant, ces pratiques varient considérablement d’un pays à l’autre, influencées par des facteurs culturels, réglementaires et structurels propres à chaque système de santé. Nous vous proposons une analyse comparative de la présence et des usages des professionnels de santé sur les réseaux sociaux en France, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Présence et plateformes privilégiées

En France, environ 65% des professionnels de santé sont présents sur au moins un réseau social à titre professionnel. On observe des variations selon l’âge : 72% des milléniaux (25-39 ans), 55% de la génération X (40-54 ans) et 45% des baby boomers (+55 ans)1.

LinkedIn domine largement pour le networking professionnel (72% des praticiens connectés), suivi par Twitter/X (45%) pour la veille informationnelle. La présence sur Instagram reste modérée (31%) mais en forte croissance, notamment chez les jeunes médecins et certains spécialistes (dermatologues, chirurgiens esthétiques). TikTok commence à émerger, principalement chez les internes, jeunes praticiens, pharmaciens et les paramédicaux.

Fait notable, les médecins généralistes français restent relativement discrets sur les réseaux sociaux comparés à leurs homologues spécialistes, avec une présence professionnelle estimée à seulement 48%1.

De son côté, l’Italie affiche un taux de pénétration de 58% chez les professionnels de santé 2. La particularité italienne réside dans l’utilisation massive de WhatsApp comme canal de communication avec les patients (81% des praticiens connectés), une pratique beaucoup moins répandue en France ou au Royaume-Uni. LinkedIn (65%) et Facebook (60%) sont les plateformes dominantes pour la présence professionnelle, tandis qu’Instagram gagne rapidement du terrain (45%), notamment chez les médecins esthétiques et nutritionnistes.

En Espagne, 71% des professionnels de santé utilisent les réseaux sociaux à des fins professionnelles, avec une forte propension à l’utilisation de plateformes comme Twitter/X (61%) pour le partage d’informations scientifiques et la participation aux débats de santé publique 3. LinkedIn (68%) reste la plateforme principale pour le networking, mais Instagram (55%) a connu une croissance spectaculaire, particulièrement chez les infirmiers et les kinésithérapeutes qui l’utilisent pour partager des conseils et des tutoriels.

De l’autre côté de la manche, au Royaume-Uni, la présence des professionnels de santé sur les réseaux sociaux atteint 77%, avec une forte utilisation de Twitter/X (69%) pour les discussions scientifiques et les échanges avec les patients 4. LinkedIn est utilisé par 74% des praticiens connectés. Une particularité britannique est l’utilisation significative de podcasts (25% des professionnels de santé en produisent ou y participent) comme extension de leur présence numérique.

Pour des raisons notamment culturelles, on observe aux Etats-Unis le taux le plus élevé avec 85% des professionnels de santé présents sur les réseaux sociaux 5. LinkedIn (82%) et Twitter/X (71%) dominent, mais YouTube (63%) occupe une place bien plus importante qu’en Europe, de nombreux médecins américains animant leurs propres chaînes éducatives. TikTok (41%) connaît également une adoption massive, particulièrement chez les infirmiers et les jeunes médecins qui y partagent du contenu éducatif vulgarisé.

Des disparités sur les usages

Quelque soit le pays d’origine, les professionnels de santé utilisent principalement les médias sociaux pour s’informer et faire leur veille en accédant aux publications des grandes revues médicales, partager de l’information, échanger avec des confrères et augmenter leur réseau. Sur un second plan ils vont les utiliser pour relayer des campagnes de sensibilisation, de santé publique ou vulgariser des thématiques santé pour les patients.

Si on analyse les usages selon les pays, on observe quelques disparités. En France, l’usage des réseaux sociaux par les professionnels de santé reste principalement axé sur :

  • La veille informationnelle et le partage d’articles scientifiques
  • Le networking professionnel
  • La communication institutionnelle pour les établissements de santé
  • L’éducation des patients

La promotion directe des services reste limitée, reflétant une certaine réserve culturelle et les contraintes du Code de déontologie médicale qui encadre strictement la publicité médicale. Les médecins français sont également plus réticents à aborder des cas cliniques sur les réseaux sociaux, même anonymisés.

En Italie, les professionnels de santé utilisent les réseaux sociaux principalement pour :

  • La communication avec les patients
  • Le partage d’informations de santé publique
  • La promotion de leurs services
  • La création de communautés de patients

Une spécificité italienne est l’utilisation importante des réseaux sociaux pour la téléconsultation informelle, une pratique qui s’est développée pendant la pandémie de COVID-19. Du côté de l’Espagne, ils se distinguent par leur engagement politique plus marqué sur les réseaux sociaux, notamment concernant les questions d’accès aux soins et de financement du système de santé public. Les principaux usages sont :

  • L’éducation des patients et la vulgarisation médicale
  • Le partage d’actualités professionnelles
  • Le networking
  • Le militantisme pour la santé publique

Une particularité britannique est l’utilisation importante des réseaux sociaux pour la collaboration interprofessionnelle et la coordination des soins, facilitée par une culture plus développée de travail en équipe pluridisciplinaire. On observe donc parmi les usages les plus courants :

  • Le partage d’informations scientifiques
  • La participation aux débats de politique de santé
  • L’éducation des patients
  • Le développement professionnel continu

Aux Etats-Unis, la différence majeure avec l’Europe réside dans l’approche entrepreneuriale et commerciale beaucoup plus assumée, avec 45% des professionnels qui monétisent directement leur présence sur les réseaux sociaux. Les professionnels de santé concentrent donc leurs usages sur :

  • Le partage d’informations scientifiques
  • La participation aux débats de politique de santé
  • L’éducation des patients
  • Le développement professionnel continu

Un cadre réglementaire hétérogène

Evidemment, que cela soit la présence ou les usages, les comportements des professionnels de santé sur les médias sociaux dépendent beaucoup de la réglementation en vigueur dans chaque pays. En France par exemple, le Code de déontologie médicale impose des contraintes strictes sur la communication des professionnels de santé. L’Ordre des médecins a publié des recommandations spécifiques sur l’usage des réseaux sociaux, interdisant notamment la publicité directe, la sollicitation de patients et limitant fortement la possibilité de témoigner sur des cas cliniques, même anonymisés. Ces restrictions expliquent en partie la prudence des praticiens français.

De l’autre côté des Alpes, l’Italie a adopté en 2022 une nouvelle réglementation qui offre plus de flexibilité aux professionnels de santé dans leur communication numérique, tout en maintenant des garde-fous sur la confidentialité des patients. La Fédération nationale des ordres des médecins italiens (FNOMCeO) a publié un guide pratique encourageant la présence numérique des médecins tout en rappelant les principes éthiques fondamentaux.

Un cadre relativement souple, avec des recommandations plutôt qu’une réglementation stricte est en vigueur en Espagne. L’Organisation médicale collégiale espagnole (OMC) préconise une utilisation responsable des réseaux sociaux sans imposer de restrictions formelles, ce qui explique l’adoption plus importante des plateformes par les professionnels espagnols.

Le Royaume-Uni encourage les professionnels de santé à investir ces canaux de communication et d’échanges. Le General Medical Council (GMC) britannique a émis des directives détaillées sur l’utilisation des réseaux sociaux, insistant sur le maintien du professionnalisme en ligne. Cependant, ces directives sont généralement considérées comme facilitant l’engagement numérique plutôt que de le restreindre, encourageant les médecins à participer activement aux discussions publiques sur la santé.

La grande différence vient bien sûr des Etats-Unis où la réglementation varie selon les États. Elle est globalement moins restrictive qu’en Europe. L’American Medical Association (AMA) a publié des recommandations qui mettent l’accent sur la protection de la vie privée des patients et le maintien du professionnalisme, tout en reconnaissant explicitement le droit des médecins à promouvoir leurs services et à développer leur « marque personnelle ».

La présence et les usages des professionnels de santé sur les réseaux sociaux reflètent à la fois les spécificités culturelles et les cadres réglementaires propres à chaque pays. Si les États-Unis se distinguent par une approche plus entrepreneuriale et commerciale, l’Europe privilégie une utilisation plus centrée sur l’information et l’éducation, avec des nuances importantes entre les pays latins et anglo-saxons.

Face aux défis de la désinformation médicale et à l’évolution rapide des attentes des patients, la présence numérique des professionnels de santé semble appelée à se développer partout, même si les modalités varieront selon les contextes nationaux. Reste à adapter les recommandations pour permettre cette évolution tout en préservant l’éthique médicale et la qualité des soins.

 

Rémy Teston, Expert e-santé, Buzz E-santé

 

(1) « Comportement des médecins sur les réseaux sociaux », Medscape – Mars 2022

(2) Osservatorio Digitale in Sanità du Politecnico di Milano / Federazione Nazionale degli Ordini dei Medici Chirurghi e degli Odontoiatri

(3) Observatorio Nacional de las Telecomunicaciones y de la SI / Organización Médica Colegial de España

(4) NHS Digital / Royal College of Physicians

(5) American Medical Association / Pew Research Center – Health Information Online

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